1965 au Québec

Publié le par Claire

En 1965 dans la province de Québec, les monoparentales non mariées d’aujourd’hui étaient appelées « filles-mères ». J’en étais. L’accouchement à l’hôpital de la Miséricorde a été une expérience d’une rare violence autant psychologique que physique. Le peuple québécois en ces temps pas si reculés, était religieux, punitif et puritain. La pratique de la médecine était exercée majoritairement par des hommes, souvent religieux, punitifs et puritains autant dans leur science que dans leur foi. 

Suite à l’accouchement, la prise de pilule anticonceptionnelle, dans ses premières années d’expérimentation, provoquait chez moi  d’atroces douleurs aux seins. J’en pleurais. Des kystes se formaient. J’ai arrêté de la prendre. Je n’aime pas souffrir quand je peux faire autrement. Conséquence : enceinte une deuxième fois. Parce que je ne voulais pas d’autres enfants, j’ai choisi l’avortement, une pratique encore illégale dans ma condition de jeune femme en santé et n’ayant qu’un enfant. J’ai été référée par mon médecin traitant à un médecin « au noir ». L’avortement clandestin a eu lieu un soir dans un local étroit du centre-ville de Montréal, moyennant 400$ comptant. Il s’est fait à froid, très froidement mais proprement. 

 

Un jour, la grâce. 

En résidence dans une autre province, le Manitoba pour ne pas la nommer, j’apprends que je peux y obtenir une stérilisation permanente, par le seul fait que je le désire. Une ligature des trompes pratiquée à l’hôpital, sans douleur, sans cicatrice, en chirurgie d’un jour. Là-bas on ne met pas en doute ma décision de ne pas vouloir d’autres enfants, on ne m’impose aucun cadre restrictif (contrairement à la province de Québec encore sous le joug de la religion et de son système médical patriarcal) on ne demande pas l’avis de mon conjoint  encore moins son accord, de plus, les frais de l’intervention sont couverts par le système étatique de cette province. 

Pendant cette période, au Québec une amie subit une ligature des trompes au moment d’accoucher. Une énorme cicatrice en résulte bien que son accouchement soit « naturel ». 

 

De retour au Québec, où je réside depuis, j’ai participé activement et en continu aux marches et manifestations qui appuient et revendiquent le libre choix à la maternité, les mesures pour combattre la violence faite aux femmes et surtout dans les circonstances entourant la grossesse. J’ai soutenu activement tous les efforts d’un médecin en particulier, le Dr Henri Morgentaler, qui a aidé des centaines et des centaines de femmes à mettre fin volontairement et en toute liberté à une grossesse non désirée. Et cela de manière respectueuse, empathique, humaine. 

 

C’est pourquoi, quand j’ai appris en 2013 le décès du Docteur Henry Morgentaler, j’ai sorti mes sacs d’argile pour réaliser un bas-relief en son hommage et pour le remercier de façon posthume d’avoir mené tous les combats ardus pour nous. L’œuvre est restée dans mon atelier jusqu’à aujourd’hui où j’ai décidé d’en faire don au Centre humaniste du Québec qui  m’a fait le plaisir de l’accepter. Aujourd’hui car je sens plus que jamais la montée de propagande anti-choix chez nos voisins au sud, comme à l’ouest et la violence qu’elle attire et qui l’entoure inévitablement. 

Que vive la liberté et que cesse la violence pour toutes les femmes du monde.

Claire Aubin

Sculptrice et peintre, 15 juillet 2019

Dr Henry Morgentaler

Dr Henry Morgentaler

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